Les travaux de restauration de l’église Saint Yves de Plougonven ont débuté, il y a maintenant 5 ans...
L’église de Plougonven a été créée par les Beaumanoir, famille de constructeurs. Philippe Beaumanoir a su jouer avec les éléments architecturaux (pignons, flèches, tourelles d’escalier...)ainsi qu’avec de la matière (le granit) pour créer une architecture qui lui est propre.
En 1554, c’est à Plougonven que s’ouvre la série des grands calvaires d’enclos finistériens. le calvaire de Plougonven souligne la fécondité du XVIème siècle trégorrois.
Au cœur d’un enclos qui compte aussi un ossuaire et une chapelle dédiée au Christ, l’église Saint Yves (1507-1523) frappe par la qualité de sa conception et de son décor gothique. Elle porte la signature de Beaumanoir, l’un de ces sculpteurs architectes qui firent le succès des ateliers morlaisiens.
A la même époque Plougonven est aussi la patrie de Jehan Lagadeuc auteur du Catholicon (l’universel), premier dictionnaire trilingue (breton, français, latin) édité en 1499 ; ainsi que Jehan Larcher l’ancien auteur d’un mystère de 1602 vers, le Mirouet de la mort (1519) dont un extrait peut se lire sur l’ossuaire de la martyre.
L’origine de la paroisse
Le bourg de Plougonven conserve un ensemble architectural très intéressant, datant du XVIème siècle (1507-1554), ensemble classé par les beaux arts.
La paroisse de Plougonven est née de la migration bretonne qui a eu lieu au XVIème siècle, dans les années 1514 à 1525. A cette époque, les habitants ont fui les invasions anglo-normandes venant d’Ecosse et d’Irlande. Cette migration s’est effectuée par villages entiers sous l’autorité d’un chef religieux et politique.
En ce qui concerne notre paroisse, ce chef religieux est Gonven, thaumaturge inconnu, débarquant, semble-t-il, sur la côte nord du Trégor, à Plouézoc’h. on peut encore y voir une petite chapelle bordant la route qui mène au célèbre cairn de Barnenez. La statue du Saint y représente Gonven en tenue de moine ermite.
Et ce n’est que bien plus tard, dans cette ferveur religieuse bretonne du XIVème siècle, que Saint Yves (1253-1303) a remplacé Gonven en tant que patron de la paroisse, en 1347.
L’église
Les Beaumanoir étaient une famille de constructeurs originaires de Plougonven. Philippe Beaumanoir a su jouer avec les éléments architecturaux (pignons, flèches, tourelles d’escalier) ainsi qu’avec la matière (le granit) pour créer une architecture qui lui était propre.
Elle se distingue par deux innovations : le clocher mur et l’abside à noues multiples. le chevet construit par Philippe
Beaumanoir est aussi une réponse nouvelle au traitement des absides, au maître-autel, où était recherchée la forme en cul-de-four (demie coupole) qui symbolise le ciel ; en 1703. La lumière, symbole de la présence divine, est obtenue en multipliant les baies, et la grandeur architecturale est magnifiée par l’effet des trois pignons juxtaposés.
Construite de 1507 à 1523, elle a vu son chevet agrandi. Dans la nuit du 1er mai 1930, l’édifice a totalement brûlé, mais un élan de générosité sans pareil a permis sa restauration, achevée en 1933.
Elle contient un certain nombre de statues anciennes, dont il faut remarquer entre autres :
Côté nord : Sainte-Barbe, Saint-Joseph, Saint Jean-Baptiste, une Piéta.
Côté sud : Saint Yves assis (patron de la paroisse), Sainte-Anne portant la Vierge qui porte elle-même l’enfant Jésus, et Saint François d’Assise.
Les autels, en pierre de Kersanton, ont été travaillés par Yann Larc’hantec, sculpteur originaire de Plougonven, et placés dans l’église de 1855 à1874.
L’église a la particularité de regrouper un nombre inconsidérable de chimères et de gargouilles.
En 2021, l’association pour la restauration de l’église Saint Yves de Plougonven en collaboration avec la mairie a décidé de lancer un appel à dessin pour remplacer une chimère disparue. Suite à la validation de l’architecte des monuments historiques et de la DRAC, une nouvelle chimère masquée est apparue. Pourquoi masquée ? Pour ne pas pas oublier la première période de la COVID 19 !
La chapelle christ
Antérieure à 1432 d’après les archives, elle a été entièrement rebâtie en 1746.
Par sa sobriété qui contraste avec la décoration de l’église et l’abondance de détails du calvaire, elle équilibre l’ensemble. Pour cause de vétusté, ce monument a été restauré en 1976, puis en 2010.
les offices religieux n’y sont plus célébrés, mais de nombreuses expositions de peinture, sculptures, photos... s’y succèdent régulièrement.
La tombe de l’abbé le Teurnier
C’est l’œuvre de Yann Larc’hantec en mémoire à l’abbé Le Teurnier, célèbre prédicateur né et décédé à Guervenan en Plougonven. Ce monument funéraire, placé au chevet de l’église, est le pendant sculpté en pierre des “Taolennou”.
Les quatre faces présentent la voie à suivre pour gagner le paradis ou au contraire mériter l’enfer, en prenant pour symboles des péchés capitaux que sont le paon pour l’orgueil, le bouc pour la luxure, le porc pour la gourmandise, la tortue pour la paresse, le serpent pour l’envie, le lion pour la colère et le crapaud pour l’avarice.
L’ossuaire
Remarquable par ses fenêtres à arcades trilobées, il date également du XVIème Siècle, De 1530. c’est un édifice à pignons hérissés de crossettes aux angles sculptés de lions.
Il accueillait les ossements des morts qui étaient enterrés dans l’église, quand il n’y avait plus de place dans celle-ci.
A partir de 1761, suite à un décret du parlement de Bretagne, les morts furent ensevelis dans l’enclos ; les reliques et ossements étaient déposés régulièrement dans l’ossuaire jusqu’en 1884 qui vit le transfert des reliques dans la fosse commune au pignon sud.
Le cimetière fût transféré définitivement en 1935.
Le mur d’enceinte et l’échalier
Plougonven a un échalier, situé du côté EST. Des pierres plates posées sur la tranche sur des marches qui semblent faire interdiction au passage seraient pour le plus grand nombre une limite entre la terre sacrée du placître et la terre profane du bourg qui peut être enjambée par le riche comme par le pauvre sans distinction et cela de la même manière. Il faut aussi ajouter une explication qui interdit au bétail de pénétrer le sacré. Cette explication correspond à une période tardive de la chrétienté. Avant le XVIème siècle, le placître, le terrain ouvert appartenant à l’église ou à la chapelle est un terrain vague où paissent les animaux de la ferme. On y fait du négoce en dehors des jours de foire et l’on prend Dieu à témoin quant à l’honnêteté de la transaction.
Le calvaire
Le calvaire , érigé en 1554, est le troisième dans la chronologie après Tronoën et Guéhenno. Il est l‘œuvre de Bastien et Henri Prigent “ymageurs” (nom utilisé dans le Catholicon en 1464). Le socle est de granit, mais les statues sont en Kersanton, roche éruptive dont les filons ont été exploités dans la région de Daoulas. Cette pierre permet un bon ciselé et durcit avec le temps, ce qui permet une bonne conservation des oeuvres.
Le calvaire monumental est élevé dans le placître de l’église paroissial. Une dédicace nous apprend que cette croix fut faite en l’an 1554, en l’honneur de dieu, de Notre-Dame de Pitié et de Monseigneur Saint Yves, patron de la paroisse. Le calvaire a souffert du vandalisme révolutionnaire. Remis en place vers 1810, il a été restauré par Yan Larc’hantec entre 1897 et 1898. Une remise en ordre chronologique des scènes a eu lieu en 1970.
Sur un massif octogonal à deux étages sont disposés, dans un ordre chronologique rétabli en 1970, les mystères de l’enfance et de la passion du Christ.
Sur le premier registre, le récit commence par le mystère de l’annonciation, l’ange Gabriel vêtu d’une dalmatique, annonce à Marie qu’elle sera la mère du Messie.
Puis c’est la rencontre de la jeune Marie avec sa cousine Elisabeth enceinte de Jean-Baptiste.
Dans la scène de la nativité, l’enfant a les pieds contre le bât de l’âne.
Les scènes de l’adoration des mages et de Jésus au temple parlant aux docteurs de la loi terminent ce cycle de l’enfance.
La représentation de deux évènements qui marquèrent les débuts du Ministère du Christ précède la passion :
Le Baptême du Christ par Jean-Baptiste et la tentation au désert. La tête du tentation du désert. La tête du tentateur où certains voient l’expression des terreurs ancestrales ne date que depuis 1898.
Les sculpteurs ou les commanditaires ont donné une plus grande importance aux scènes de la passion qui commencent sur le premier registre par l’agonie au jardin des oliviers et l’arrestation du Christ.
Au registre supérieur, dans la scène du Christ aux outrages, un soldat fait une génuflexion en portant un doigt vers la langue qu’il tire.
Dans les scènes de la flagellation et du couronnement d’épines, la sérénité du visage du Christ contraste avec les rictus des bourreaux.
Véronique, au-devant du portement de la croix, montre le voile où s’est imprimé le visage du condamné.
Joseph d’Armathia et Nicodème qui tiennent le linceul de la mise au tombeau attirent l’attention par leurs accoutrements.
Les démons grimaçant autour de la gueule du monstre font oublier le Christ descendu aux limbes pour accueillir Adam et Eve. Par contre le Christ sortant du tombeau s’impose au regard.
Au pied du fût de la croix principale, Marie-Madeleine nous invite à lever le regard vers le Christ crucifié.
La scène de l’arrestation du Christ, réduite à cinq personnage, est guerre et paix.
Judas qui porte toujours sa bourse, s’approche du Christ pour l’embrasser, le baiser étant le signe de la dénonciation.
L’apôtre Pierre a tiré son épée et tente de trancher la tête du soldat Malchus, il ne réussit qu’à lui couper qu’une oreille. Trahi, saisi par deux soldats en armures du XVIème siècle, le Christ demande à Pierre de rengainer son épée et s’apprête à recoller en bonne place l’oreille de malchus qu’il tient dans sa main droite.